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Notice de Didier Pralon, "Les Cahiers du Claix" nov. 1993

  Au XVI° siècle, entre 1519 et 1530, Jean Samxon publie la première version française de l'Iliade. Comme l'indique son titre prolixe, il traite Homère en historien, susceptible d'être mis en parallèle avec Darès le Phrygien et Dictys de Crête :

  Les Iliades de Homere, poete et grand hystoriographe. Avec les prémisses et commencements de Guyon de Coulône, souverain hystoriographe. Additions et sequences de Dare Phrygius et de Dictys de Crete. Translatee en partie de latin en langage vulgaire, par maistre Jehan Samxon, licencié en loys, lieutenant du bailly de Touraine a son siege de Chastillon sur Yndre, Jehan Petit, avec privilege. On les vend à Paris en la rue Sainct Jacques. A l'enseigne de la fleur de lys.

   Puisqu'Homère est un "hystoriographe", versificateur par accident, on peut le translater du latin, lui ajouter des compléments tirés d'autres "hystoriographes" comparables, fussent-ils des faussaires ! la lettre n'importe guère. Le texte ainsi translaté a pourtant la verve du conte :

   "Alors que toutes les copies et compaignies militaires des Troyens furent rendues chascune a part soy soubs leur prince ou chief de guerre, et que les batailles furent ordonnées ils prindrent leur voie et leur chemin vers les Gregeois avecques une grande sublevation de bruit et clameur semblable au cry qu'ont acoutusme faire et donnent les grues qui sont portees en l'air quant en fuyant le hyvere ou climat hyvernal elles s'en vont volans au temps matutinal de caterve en caterve jusques à la mer oceane et deliberees de donner une cruelle et dure bataille et ung grant assault mortifere aux pygmeens. Mais les Gregeois sans rendre aucune clameur mais comme fervens d'une ire tacite se diligenterent de venir contre les Troyens pensans en leurs couraiges la maniere et comment ils pourroient bien vaincre leurs ennemis et de eux et les leurs deffendre. A la venue desquels et à leur arrivement telle quantite de pouldre fut excitee mesment a ce aidant le vent que lors leur veue ne pouvait dilater ne protendre oultre le gect d'une pierre ains fut lors faicte obscurite en la maniere que ausser faict les nues nocturnes sur la haultesse des montaignes."

   Le style reste archaïque, souvent si gauche qu'il en revêt un charme suranné. Le texte n'est pas traduit, mais paraphrasé. Jehan Samxon affectionne les redondances qui forment une mélopée. Les éléments du sens subsistent dans leurs grandes lignes : le contraste entre le tumulte et le silence, la comparaison avec les grues et les Pygmées, l'obscurcissement sous l'effet de la poussière. Mais la comparaison avec le Notos, l'évocation des bergers et des voleurs sont effacées ; et surtout, le premier d'une longue liste, Jehan Samxon réorganise le récit pour n'évoquer d'emblée que les seuls Troyens. Nonobstant son attrait, ce texte vieillot s'apparente plus au style de Dictys et des romans en prose médiévaux qu'à la poésie d'Homère