Biographie
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    Le 2 août 1964, à Saint-Jean-Soleymieux, petit chef-lieu de canton des Monts du Forez, une cérémonie se déroulait devant une maison toute simple du bourg, à l'occasion de la pose d'une plaque commémorant la naissance du plus illustre enfant du pays : Mario Meunier.

    C'est là, en effet, qu'il naquit, le 12 décembre 1880. Il était l'aîné de huit enfants. Son père exerçait le métier de boulanger.

  Très attaché à son pays natal, Mario Meunier en parlait avec émotion :

    "Mes premières années, écrivait-il à un ami, se passèrent dans ces sites montagneux qui me remplissaient d'admiration, à tel point qu'il m'arrivait de pleurer quand le soleil du soir revêtait de splendeur et de sérénité leur sauvage rudesse, leur âpre solitude"

    Le petit Mario Meunier fréquente jusqu'à 12 ans l'école de St-Jean-Soleymieux, alors tenue par les frères maristes. Il obtient son certifi­cat d'études qui demeure son seul titre universitaire. Il est enfant de chœur dans la belle église du XVe siècle en gothique forézien et c'est son curé, M, l'abbé Grimaud, qui lui apprend le latin.

     Ses maîtres ayant remarqué son intelligence l'envoient à la Maison-Mère des Maristes, à la Valla, près de St-Chamond, puis, de là, à la Trappe d'Aiguebelle, enfin auprès des Bénédictins de Marseille où il aborde l'étude du grec. Son professeur connaît à fond la langue d'Homère. Il lui en dévoile tous les secrets et lui communique son enthousiasme.

    "Grâce à lui, dit Mario Meunier, je n'ai pas connu l'ennui de feuilleter désespérément un dictionnaire. Nous lisions ensemble les auteurs grecs et, quand un mot m'arrêtait, cet admirable maître s'essayait d'abord à m'en faire deviner le sens, puis me le découvrait lui-même si ma jeune science restait à court. A chaque beau passage, à chaque image émouvante, il m'arrêtait, commentait, citait les auteurs français, jusqu'aux plus modernes, qui s'en étaient inspirés. Ainsi, je fus pénétré de 1'importance de la littérature grecque ; je sentis quelle avait été son influence sur notre culture, sur la formation de notre âme, et je compris que le maintien de cette culture était la condition du développement harmonieux de tout notre être."

    Mario Meunier porta lui-même la robe de Bénédictin mais ne pro­nonça pas de vœux. Pendant qu'il résidait à Marseille, il fonda avec Émile Sicard, Valère Bernard, Edmond Jaloux, Francis de Miomandre la revue "Le Feu". C'est également pendant son séjour à Marseille qu'il publia sa première traduction de grec, "Antigone" parue en 1907.

    De 1912 à 1914, Mario Meunier fut à Paris le secrétaire du grand sculpteur Rodin qu'il aida dans la rédaction de son livre sur les cathédrales. De cette époque date son amitié avec Francis Carco qui, l’ayant accueilli à son arrivée à Paris, lui fit les honneurs nocturnes de la capitale.

    " Rodin, écrit Mario Meunier, ma produit une impression formidable et il a eu sur moi une bienfaisante influence. C’était une puissance spontanée, une force instinctive qui devinait tout et qui possédait un goût et un don d1admiration inépuisable. Aucun écrivain ni personne n'a produit sur moi pareille impression. Personne ne m'a donné à ce point la sensation du génie. "

    La guerre vint mettre fin à cette collaboration. Sergent au 16e d'Infanterie à Montbrison, Mario Meunier partit dès les premiers jour avec son régiment. Il fut fait prisonnier en septembre 1914 à Oreslincourt (Aisne). Envoyé en 1916 dans un camp de représailles sur le front russe, il y scella deux solides amitiés : celle de l'imprimeur Marcel Seheur et celle du bon imagier Lucien Boucher. Aussi bien, lorsque, sorti de l'enfer, il reprendra son activité littéraire, ses premières oeuvres seront illustrées par Lucien Boucher et éditées par Marcel Seheur. De son séjour en Allemagne, que vint interrompre, heu­reusement  son transfert en Suisse, il a rapporté les éléments d'une émouvante plaquette : Un camp de représailles FR K III, publié en 1919.

    Dès lors, ses oeuvres vont se succéder :"Les lettres anciennes, écrit Roger Giron, constituent son domaine, le beau jardin ou il promène avec ferveur ses pensées et ses rêves". Traducteur de Platon, de Sophocle, de Sappho, de Nonnos, d'Euripide, de Pythagore, d'Hiérocles, de Proclus, il rend aux textes anciens une jeunesse éternelle. En 1921, il offre au grand public une esthétique lyrique de la vie intitulée :"Pour s'asseoir au foyer de la maison des dieux". En 1924, l'Académie couronne sa traduction "d'Isis et d'Osiris" de Plutarque ; en 1925, celle des "Vers d'Or" de Pythagore.

     Mario Meunier entreprend alors sa grande "Légende dorée des Dieux et des Héros", en deux tomes, puis "Les Légendes épiques de la Grèce et de Rome", les "Récits sacrés de l'Ancien et du Nouveau Testament", sorte d'anthologie des Livres Saints, enfin "La Légende de Socrate". Il collabore en même temps aux "Nouvelles Littéraires", au "Mercure de France", au Figaro et autres grandes revues françaises. Ses voyages en Grèce sont nombreux, et là aussi, il lie de solides amitiés.

   En 1943 il publie chez « Union latine d’éditions » une très belle traduction de l’Iliade et de l’Odyssée, illustrée par Berthol-Mahn.

    Il est vraiment épris  de ce peuple et de sa culture. Il écrit :

    "Les lettres grecques sont les gardiennes de la civilisation. Elles sont indispensables à la haute éducation intellectuelle. Comment s'appuyer pour former une âme d'homme sur des systèmes d'éducation qui sont sans racines dans le passé et qui ne sont fondés que sur le ca­price passager d'une hypothèse plus ou moins scientique qui, comme toutes les hypothèses, ne saurait vivre longtemps..."

    "...Plus que tous les autres peuples, les Grecs ont su mettre du mouvement et de l'ordre dans leur pensée et, par cela même, la rendre vivante. Aussi, si l'on veut arriver à pénétrer cette pensée, c'est par la voie des lettres qu'il faut s'y engager. D'ailleurs, le latin et le grec ont, de par leur propre étude, une valeur éducative incom­parable. Les habitudes de réflexion, de méthode et d'analyse aux­quelles l'esprit doit se plier s'il veut saisir tout le mécanisme de ces langues, en font une des disciplines les plus robustes et les plus stimulantes de l'esprit.

    Mario Meunier qui effectua de nombreux séjours dans son pays natal n'y termina cependant pas sa vie. C'est en pays roannais, au Crozet, qu'il passa ses dernières années, dans une belle maison ancienne dite du Connétable où il s'éteignit le 5 août 1960 entouré de l'affection de son épouse, de ses deux filles et de son fils.

    A ses obsèques, auxquelles assistaient de nombreuses personnalités du monde des lettres, 1'amitié du peuple hellène fut manifestée par M. Commandopoulos, attaché d'ambassade, qui déposa sur le cercueil les insignes de Grand Officier de l'Ordre du Phénix. M. Mario Meunier, commandeur de la Légion d'Honneur, était déjà officier de l'Ordre du Sauveur de Grèce. Il avait reçu, en 1931, le grand prix de la Société des Gens de lettres de Francs.

    La ville de Montbrison possède un bronze de cet illustre écri­vain, oeuvre du sculpteur grec Costas Dimitriadis, qui figurait précédemment au musée du Luxembourg.

    Par délibération du conseil municipal du 23 décembre 1963, la Ville décidait de donner le nom de "Mario Meunier" à son collège municipal le plaçant ainsi sous le vocable d'un des plus grands hellénistes du monde, né au pays de Forez.

                                                Marguerite FOURNIER