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Leconte de Lisle, par
Verlaine, Paris, Bibl. J. Douce.
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[1818]
- [1894]
Leconte de Lisle
«Leconte de Lisle, étant un
vrai poète sérieux et méditatif, a horreur de la confusion des
genres, et il sait que l'art n'obtient ses effets les plus puissants que
par des sacrifices proportionnés à la rareté de son but.»
Charles Baudelaire, Portrait de
Leconte de Lisle, Revue fantaisiste (été 1861).
Charles-René-Marie Leconte de Lisle naquit à l'île Bourbon (Réunion)
le 22 octobre 1818.
Il vient, à dix-huit ans, poursuivre ses études en France, à Rennes.
Il étudie le droit, mais abandonne très vite pour sa passion: la poésie;
dès lors, sa famille lui coupe les vivres.
De 1845 à 1848, il fréquente à Paris les phalanstériens, collabore
à La Phalange et à La Démocratie pacifique, espère tout de la révolution
de 1848, dont l’échec l’accable; il ne pardonnera ni à la
bourgeoisie sa victoire, ni au peuple d’accepter sa défaite.
Battu aux élections de 1848, il vécut longtemps de leçons particulières,
de travaux non signés, de traductions, d'emprunts, de quelques prix et
subsides avant de recevoir une pension, sous l'Empire, puis d'être nommé
bibliothécaire adjoint au Sénat sous la IIIe République.
Leconte de Lisle est l'un des chefs de file de l'école du Parnasse, qui
prônait notamment la supériorité du beau sur l'utile. À ce titre, il
a dès 1860 des disciples comme Villiers de l'Isle-Adam, Mallarmé,
Sully Prudhomme ou Hérédia.
En 1887, il succéde à l'Académie française au fauteuil de Victor
Hugo, dont il avait été jadis l'un des protégés. Sur la fin de sa
vie, il acquiert la réputation d'être un poète classique et
semi-officiel au pessimisme latent. Il meurt en 1894, honoré par la
IIIe République, dont il avait salué l'avènement aux lendemains de la
Commune.
L'œuvre poétique de Leconte de Lisle est dominée essentiellement par
trois recueils de poèmes, les «Poèmes antiques» (1852), les «Poèmes
barbares» (1862) et les «Poèmes tragiques» (1884), qui tous
recherchent le foisonnement d'une matière poétique au sein du passé,
pour dire le «temps où l'homme et la terre étaient jeunes et dans l'éclosion
de leur force et de leur beauté».
Dès la préface des Poèmes antiques (1852), Leconte de Lisle
choisit de se poser en chef d'une nouvelle école fondée contre la
pratique romantique. Pour lui, la poésie doit exprimer, dans des formes
adéquates, le «fonds commun à l'homme et au poète», «la somme de vérités
morales et d'idées dont nul ne peut s'abstraire». Or seuls Homère et
les tragiques grecs – auxquels Leconte de Lisle associe les auteurs
des grandes épopées hindoues – peuvent fournir des modèles dans
cette matière. Selon lui, il faut donc remonter aux sources antiques et
faire resurgir les voix des civilisations disparues. Dans sa poésie,
impeccablement cadencée et rythmée, parfois déclamatoire, l'exotisme
en vogue reste cependant secondaire par rapport à cette recherche d'une
voix originelle.
La génération littéraire de 1820, avec Flaubert, Baudelaire et
Leconte de Lisle, s’élève contre le romantisme, taxé
d’impuissance, et l’école du «bon sens», taxée de médiocrité.
Cependant, plus d’un lien rattache le Parnasse au Romantisme: Leconte
de Lisle est fortement marqué par Lamartine et par Vigny et estime Théophile
Gautier. En réalité, grâce à Leconte de Lisle, l’énergie
passionnelle, l’interprétation symbolique de la nature, le goût de
la couleur et de l’exotisme, la liberté dans la fantaisie passent du
romantisme au Parnasse.
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